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C’est un rebondissement majeur dans la course à la présidentielle tunisienne, dont le premier tour est prévu le 6 octobre. Après Abdellatif Mekki, ancien ministre affilié au parti islamo-conservateur Ennahda, et avant Imed Daïmi, le vice-président du Hizb el-Harak, le parti de l’ancien président Moncef Marzouki, le tribunal administratif de Tunis a décidé, jeudi 29 août, de réintégrer Mondher Zenaidi dans la compétition électorale.
Ce dernier, ancien ministre sous Zine El-Abidine Ben Ali et concurrent sérieux du président Kaïs Saïed, candidat à sa réélection, avait initialement été écarté par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) le 10 août, aux côtés de treize autres candidats.
Parmi les candidatures déposées, seules trois avaient été validées par l’ISIE. Kaïs Saïed, donné largement favori, devait être opposé à Zouhair Maghzaoui, ancien député panarabe et leader du Mouvement du peuple, un parti ayant soutenu le coup de force de M. Saïed – qui s’est octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 –, et à Ayachi Zammel, ancien député et chef d’un petit parti peu connu.
Mondher Zenaidi, qui a occupé plusieurs postes ministériels sous le régime de M. Ben Ali, avait été démis de ses fonctions le 17 janvier 2011, trois jours après la fuite de l’ancien président du pays. Candidat à l’élection présidentielle de 2014, il avait recueilli moins d’1 % des voix au premier tour avant de soutenir Béji Caïd Essebsi, vainqueur de l’élection.
Malgré la résurgence de dossiers de corruption datant de 2011 et de nombreux obstacles administratifs, dont le refus de délivrance de l’extrait de casier judiciaire par le ministère de l’intérieur, M. Zenaidi était parvenu à déposer sa candidature depuis la France, où il est actuellement exilé.
Deux jours plus tôt avant la réintégration de Mondher Zenaidi, le tribunal administratif avait déjà créé la surprise en remettant Abdellatif Mekki dans la course à l’élection présidentielle. Ancien ministre de la santé publique de 2011 à 2014, puis en 2020, M. Mekki avait démissionné du parti Ennahda en septembre 2021, alors que la crise politique provoquée par le coup de force de Kaïs Saïed avait exacerbé les tensions internes au sein du parti. En 2022, il a fondé son propre parti, Travail et réalisation, dont il est devenu le secrétaire général.
Après avoir exprimé son intention de se présenter à l’élection présidentielle, fin juin, Abdellatif Mekki a été rapidement rattrapé par la justice. Une semaine après l’annonce de sa candidature, il a été impliqué dans l’affaire du décès d’un homme d’affaires, incarcéré entre 2011 et 2014. Bien que M. Mekki nie toute implication, le juge d’instruction l’a placé sous une forme de résidence surveillée, lui interdisant de quitter son quartier et de faire toute apparition médiatique ou prise de parole publique.
Au début du mois d’août, il a également été condamné en première instance à huit mois de prison ferme, une peine assortie d’une inéligibilité à vie. Accusé d’avoir falsifié des parrainages nécessaires au dépôt de sa candidature, il a fait appel du jugement et demeure en liberté.
Bien que la réintégration de Mondher Zenaidi et Abdellatif Mekki soit considérée comme définitive par le porte-parole du tribunal administratif et plusieurs juristes, elle ne semble pas l’être aux yeux de Farouk Bouasker, le président de l’ISIE. Le 29 août, il a affirmé que l’instance électorale qu’il dirige devait non seulement examiner les décisions du tribunal administratif, mais aussi prendre en compte les condamnations pénales des candidats, avant de publier la liste définitive des candidats retenus, dont la publication est prévue le 3 septembre après expiration des délais de recours.
« Le conseil de l’Instance est la seule institution constitutionnelle qui puisse garantir le bon déroulement du processus électoral », a-t-il déclaré, provoquant une vive indignation parmi les leaders de l’opposition et les experts juridiques. « C’est une absurdité totale. L’ISIE se comporte comme une autorité de contrôle supérieure. Ses décisions sont de nature administrative et peuvent être annulées par la justice », rétorque Sana Ben Achour, professeure de droit public.
Jeudi soir, une responsable de la campagne de M. Zammel, l’un des candidats en lice selon l’ISIE, a été libérée après avoir été placée en détention pour falsification de parrainages. Parallèlement, Zouhair Maghzaoui, autre candidat retenu, s’est montré particulièrement critique envers le bilan du président tunisien, qu’il avait pourtant soutenu jusque-là.
Depuis son virage autoritaire amorcé en juillet 2021, le chef de l’Etat perd progressivement le soutien des Tunisiens, qui avaient pourtant été nombreux à saluer son « coup de force ». Les dernières élections législatives (2022-2023) et locales (2023-2024), n’ont mobilisé qu’environ 11 % de l’électorat. La capacité de Kaïs Saïed à mobiliser la population pour la prochaine présidentielle pose question, alors qu’au moins huit candidats potentiels ont été poursuivis, condamnés ou emprisonnés, selon l’organisation Human Rights Watch.
« Le gouvernement devrait immédiatement cesser ses ingérences politiques dans le processus électoral, annuler les mesures répressives et permettre aux candidats de l’opposition de prendre part au scrutin », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ONG.
Monia Ben Hamadi (Tunis, correspondance)
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